LARA FABIAN
"Ses franches confidences sur sa vie de femme"



Avec son premier album en anglais, elle part à la conquête du monde. Dans une interview, elle se confie sur son ascension professionnelle et se secrets de femme.

En deux ans, avec plus de six millions de disques vendus rien qu'en France, elle était devenue la star la plus populaire de la chanson francophone. De Bruxelles, cité de son enfance, à Montréal, berceau de ses débuts, en passant par Paris, ville de sa consécration, et Ajaccio, nid de ses amours avec Patrick Fiori, elle ne ramenait que louanges et trophées. Puis, elle a soudain disparu, tentée par la conquête de l'Ouest et excitée à l'idée de confronter son talent à celui des plus grands créateurs américains.

Aujourd'hui, munie d'un splendide album 100% anglo-saxon, Lara est revenue faire un petit tour sous nos latitudes et s'est offert, d'entrée de jeu, une soirée spéciale sur TF1 qui a enchanté les téléspectateurs.

Nous avons profité de son séjour parisien pour faire avec elle le point sur ses rêves et ses humeurs. Des confidences directes et lumineuses. A son image.


Ce show télé rien qu'à vous que TF1 vient d'offrir à ses téléspectateurs et que vous avez entièrement conçu vous-même restera-t-il un grand souvenir ?

Oui, parce qu'en général, on va à la télé pour chanter un morceau en promo et dire deux ou trois platitudes.

Bilan : l'image qu'on y donne manque totalement de profondeur. Là, si quelqu'un voulait faire une vivisection de moi, il lui suffisait de regarder cette émission. Je m'y suis livrée totalement. J'y ai exprimé tout ce que je suis et j'ai pu y recevoir les gens que j'aime.

Vous avez noté ma petite bévue quand j'ai appelé Prince par son nom ? Eh bien, j'ai tenu à la laisser au montage pour bien prouver à tous ceux qui raillent mon perfectionnisme que je suis loin d'être à l'abri des bourdes !

Quels temps forts garderez-vous particulièrement en mémoire ?

Je n'oublierai jamais le moment où, entourée de cent musiciens d'opéra, j'ai pu chanter debout, en robe du soir, sur un piano à queue. Un véritable rêve d'enfant se réalisait. Et puis, j'ai pris beaucoup de plaisir lors de mes duos avec Lââm et Anthony Kavanagh. Enfin, j'ai vécu avec Michel Fugain, quand nous avons interprété "Je n'aurai pas le temps", un instant rare d'une infinie fragilité.

Et le moment où Jean-Pierre Foucault a évoqué votre journal intime ?

Là, il m'a un peu surprise. Je ne souhaitais pas me livrer sur les aspects privés de ma vie, même si, par ma manière d'être, j'ai largement débordé sur des confidences strictement artistiques.

Ce que vous êtes, comment le résumeriez-vous en deux ou trois mots ?

Je dirais un mélange d'enfance et d'insolence.

La gloire n'a rien abîmé ?

Je ne pense pas qu'elle ait change quoi que ce soit ni qu'elle y parviendra un jour. Si j'avais dû péter les plombs, ce serait déjà fait, et je suis entourée d'assez de gens très proches et très clairs pour garder la tête bien sur les épaules. La seule chose que la notoriété ait dissipée, c'est une petite part de mes doutes. Je n'ai plus envie d'avoir à m'excuser d'être ce que je suis !

Pourquoi cet album en anglais ?

Pour m'ouvrir d'autres horizons où les radios ne diffusent malheureusement aucune chanson française. Mais, au-delà de la réalité du marché, il y a la part du rêve. Et l'essence d'un rêve, c'est ce qu'on ne comprend pas. Ce morceau d'innocence totale dans lequel il vous plonge.

Moi, gamine, je rêvais de musique et de gloire. J'avais le besoin viscéral et le désir sanguin de faire ce métier. Je me disais "Un jour, moi aussi, je serai une star !". Mais je ne savais pas du tout ce que cela représentait, à quel point il fallait avoir confiance en soi, mériter ses galons et se confronter à l'inconnu. Aux Etats-Unis, dans une langue étrangère et face à des créateurs exceptionnels, mon innocence a favorisé l'émotion. Je ne me suis jamais dit : "Tu n'es pas à ta place". Mais j'ai dû puiser au fond de moi des ressources insoupçonnables.

On vous dit extrêmement perfectionniste.

Je ne suis pas sûre que ce soit une maladie gênante dans le domaine du travail. Porter une attention particulière et vigilante à ce qu'on fait est plutôt une bonne chose. Et la part d'imaginaire existe, à mon avis, d'autant plus que l'emballage est solide !

Dans la vie de tous les jours, vous êtes aussi... vigilante ?

J'ai du mal à partir de chez moi si le lit n'est pas fait ou si le lave-vaisselle est encore plein ! (Sourire) J'avoue que c'est un peu obsessionnel, mais, d'un autre côté, tout savoir faire moi-même me rend plutôt heureuse.

Vos règles de vie font-elles loi pour votre entourage ?

Je ne m'entoure pas forcément de gens qui me ressemblent et, de toute façon, j'ai dans tous les domaines des goûts suffisamment éclectiques pour ne pas me montrer sectaire. Par contre, il y a deux choses impératives que je réclame à ceux qui me côtoient : le sens du respect et un certain code d'honneur et d'amour.

Aux Etats-Unis, pour faire votre album, vous avez travaillé avec des gens d'exception, tel le producteur de Mariah Carey. Cette forte personnalité a-t-elle laissé des traces ?

Si le bébé est beau, je ne peux pas vraiment nier qu'il est en partie né dans la souffrance ! (Sourire) En Walter Afanassief, producteur de génie, j'ai rencontré quelqu'un qui avait à la fois les mains d'un ange et celles d'un démon.

Pendant presque un an, dans une relation passionnelle quasi amoureuse, je me suis heurtée à quelqu'un de tellement en conflit avec lui-même qu'il n'arrive pas à cohabiter avec le bien et le mal.

Moi qui suis plutôt "soleil", qui n'ai pas la notion du doute, qui ne peux tolérer le "je ne sais pas", qui considère qu'il n'y a pas de question sans réponse, j'ai dû gérer un conflit permanent. Ma candeur en a évidemment pris un coup, mais j'ai compris parallèlement qu'il existait deux lumières. Celle du soleil, bien sûr, mais aussi celle de la lune ! Walter ne m'a jamais comprise, mais il m'a fait prendre conscience de tas de choses sur moi.

Quoi, par exemple ?

Que, dans ce métier, j'étais un peu incongrue, car anormalement normale. Lui comme d'autres gens considèrent qu'on ne peut pas à la fois mitonner un osso-buco, moucher un gosse, être la femme d'un mec, l'éventuelle mère d'un bébé et la star d'un public. Eh bien moi, j'affirme qu'on peut être dix femmes différentes, que passer sans souci de sa vie de tous les jours à son statu de star n'implique pas forcément le mensonge. L'autre jour, pendant une séance d'autographies, un enfant m'a dit que, grâce à mon succès, des tas de copains et copines à lui avaient compris que tout le monde pouvait devenir star. Loin d'être vexée, j'ai senti une immense fierté m'envahir. C'est ça, ma réussite. Etre la cousine, l'amie, la fille d'à coté et, en même temps, la vedette. Rayonner sans jamais péter un plomb. J'aurais aimé convaincre Walter que je ne changerai jamais et je ne pouvais en signer l'engagement des deux mains. J'aurais adoré capturer l'ange qui est en lui. Mais je n'y suis absolument pas parvenue !

Vous êtes finalement restée près d'un an aux Etats-Unis... S'il vous fallait dresser un bilan du pays ?

Il serait mitigé. Ce pays à les défauts et les qualités d'un adolescent qui aurait trop vite grandi. Je ne pourrais pas y vivre. Question, sûrement de culture, mais aussi de cœur. Chez nous, c'est évidemment un peu le bordel, mais on sent de l'amour un peu partout !

L'amour. Voilà le thème principal de votre album, non ?

Je suis issue d'un héritage qu'on appelle celui des moeurs et des bienfaits. De parents et de grands-parents unis qui m'ont appris que l'amour était la force essentielle. J'ai beau savoir que la terre bouge, que les planètes se déplacent et que tout est en constante évolution, j'espère trouver toujours en moi l'intelligence de formuler et de reformuler l'amour, ses blessures, ses joies et ses violences !

Pendant que vous vous fiancez avec l'Amérique, en France comme en Belgique ou en Corse, la rumeur a annoncé plusieurs fois votre mariage imminent avec Patrick Fiori. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Très honnêtement, je ne le sais pas. Et puisque vous savez que j'ai horreur des "je ne sais pas", vous pouvez imaginer à quel point il m'est difficile de vivre avec cette incertitude.

Alain Houstraete-Morel
© Ciné-Télé-Revue du 4 au 10 décembre 1999 N° 49