Un jeune professeur de yoga balaie ses vieux démons

En 1989, on lui connaissait un unique amour. Le seul que Roch Voisine avait daigné médiatiser: 'Hélène'. Mais il s’agissait là du titre de son plus grand succès. Propulsé au sommet des hit-parades, grâce à son talent, mais aussi à son image romantique soigneusement entretenue, le prétendu rival de Patrick Bruel semblait bien seul, une fois les caméras éteintes. Aucune femme à l’horizon pour ce Canadien dont le charme et le sourire désarmant faisaient s’évanouir des milliers d’admiratrices durant ses concerts. Beaucoup se sont intérogés. Et l’intéressé a répliqué: "Je suis très réservé en ce qui concerne le domaine des sentiments". Enigmatique, la star est devenue la cible parfaite des rumeurs. Puis vint le temps où des magazines canadiens lui préfèrent une romance avec Valérie Valois, une confidente à la crinière couleur des blés, annonçant au passage qu’il serait bientôt papa. Poursuivant sa carrière, Roch n’a jamais aussi bien porté son prénom en restant de marbre face à ces assertions. D’aucuns crurent qu’il avait rencontré la compagne de ses rêves en la personne de Janet Gunn, une actrice américaine aux cheveux dorés (héroine des "Dessous de Palm Beach"). L’idylle n’a duré que deux printemps. Et le troubadour est parti s’isoler dans une tour d’ivoire à Los Angeles. Histoire de prendre du recul, après tant de déboires et de stress. S’apprêtant à sortir un nouvel opus sur le Vieux Continent, Roch Voisine réapparaît avec une jolie brune. A 35 ans, le Canadien aurait, dit-on, le désir de se caser, de se marier et de devenir père. Info ou intox ?

"Il faut être prêt à partager le reste de ses jours avec quelqu’un. Pour cela, il s’agit de se préparer et ensuite de laisser les gens entrer chez vous, au sens propre comme au sens figuré, afin de découvrir cette femme qui voudra bien de vous pour une période la plus longue possible.", disait Roch Voisine au faîte de sa gloire, au début des nineties. "Ce n’est pas facile. Etre ma moitié, c’est un job. Un job public. J’ai envie de vivre sur le plan privé la même expérience extraordinaire que je connais dans le showbiz. Mais il me faut gérer les tournées, la promotion, les albums et… moi-même, au milieu de tout ça. Je n’ai pas l’énergie nécessaire pour prendre soin d’une amie, à moins qu’elle ne soit complètement autonome. Parfois, c’est sûr, cette existence de vagabond à laquelle je suis astreint me fait douter de mon avenir. Personne ne m’a encore prouvé qu’une vie de famille était compatible avec le monde de la musique et de ses exigences. J’avertis souvent: <Attention, Mesdemoiselles, je suis le pire ‘boyfriend’ que vous puissiez rencontrer. Partez !> Certaient essaient malgré tout. Et le couperet tombe. Il arrive que je me fasse peur en me regardant dans la glace. Mon succès va-t-il me condamner à la solitude ?"

Croulant sous une montagne de disques d’or, de platine et de diamant, Roch Voisine n’a jamais caché sa peur de "finir en vieux râleur dans une grande maison". En pleine ascension, enchaînant les tournées et les émissions télévisées, l’artiste brille sur scène. Mais lorsque le rideau tombe, la pénombre des coulisses le rend soudain vulnérable. "La pression de mon métier est lourde à supporter. Et puis, contrairement aux apparences, je ne me sens pas vraiment un spécialiste de la séduction. Sur les planches, c’est différent. La frénésie que je déclenche est à la fois une forme d’amour larvé et un jeu dangereux. Parce que cela relève plus d’une aventure, d’une communion avec un public féminin, que de la véritable tendresse avec une seule personne. En 1993, les Françaises m’ont désigné 'l’homme le plus sexy de l’année'. Erreur. Car les tombeurs captivent et fascinent leur petite amie. Moi, je ne sais le faire qu’en public. Dans le privé, devant une femme qui me plaît, je suis carrément incapable de parler ou je bafouille lamentablement. Je tente de m’en sortir soit avec l’humour, soit avec le lyrisme de mes compositions. Les belles paroles de mes tubes, c’est un exorcisme, tout ce que ma timidité m’empêche de dire. Je sais, ce n’est pas le bon moment, mais mon rêve est de fonder une famille: une épouse, des enfants, des chiens et une maison au bord de la mer."

A force de parcourir les routes sans la moindre conquête à son bras, l’interprète de ‘La berceuse du petit diable’ éveille les soupçons. Ses détracteurs n’hésitent pas à lui inventer des fiancées, puis à le traiter de gay. "J’admets être en partie responsable de cette situation. Le problème ? Je suis quelqu’un de très discret, j’ai horreur de m’exhiber. Bon sang, remettons les pendules à l’heure: je ne suis pas homosexuel. Simplement, quand je sors avec une fille, le crier sur tous les toits n’est pas dans mes habitudes ! Je ne nierai pas que les homos sont nombreux dans l’univers du spectacle, et que certains d’entre eux sont mes amis. Les rumeurs peuvent vous piéger surtout lorsqu’elles reposent sur l’intolérance. Si on se défend, les gays vont dire: "Pourquoi nous rejettes-tu ?" Ca me rappelle la fameuse affaire du sida avec Isabelle Adjani. Je n’avais pas envie de me justifier à la télévision. Comment agir en fin de compte ? Etendre une groupie dans mon lit et convoquer la presse ? Ce n’est pas du tout mon style. Je suis un gentleman. A mon propos, on a écrit à peu près tout et n’importe quoi. Beaucoup se sont imaginé des histoires rocambolesques, alors que dans mon existence, tout est limpide, presque banal."

C’est sans compter avec les surprises programmées par Cupidon. Fin 1995, désireux de se mettre entre parenthèses, le jeune homme trouve une épaule sur laquelle il pourra se reposer. L’heureuse élue se nomme Janet Gunn. Dès l’instant où les yeux azur de cette actrice ont plongé dans le regard de braise de Roch, ce fut le coup de foudre. Les tourtereaux s’installent ensembles et adoptent… un petit chien, qu’ils baptisent Macaroni. Le feu de leur passion crépite dans le plus grand secret. Il finit malheureusement par s’éteindre au bout de deux ans. De nouveau "free and single", l’idôle n’émettra aucun commentaire au sujet de cette défunte romance. Janet, elle, est déchirée par des sentiments contradictoires. Le ténébreux l’a visiblement marquée: "Le public à tendance à croire que Roch multiplie les conquêtes. Ce n’est pas le cas. Le hic: nous n’avions pas les mêmes valeurs. Quand un orage gronde, des solutions et des compromis sont toujours possibles. Mais mon bien-aimé n’était pas du genre à faire de gros efforts. Nous étions tous deux sérieux dans nos métiers et nous aurions pu nous soutenir mutuellement. Je voulais quelqu’un de fort, et Roch est un enfant. Quand vous adorez une personne et que cette dernière n’accepte pas certains sacrifices, ça fait mal. Malgré tout, je serai amoureuse de lui le restant de mes jours."

Loin de Miss Gunn, l’ex-coqueluche des adolescentes tente de cicatriser une autre blessure. Jamais évoquée, elle pourrait être à l’origine de ses bleus au coeur. "Le divorce de mes parents m’a traumatisé. Une mère qui s’en va quand vous avez à peine 5 ans, cela déteint sur vos relations avec les demoiselles. On préfère les 'plaquer' avant qu’elles vous lâchent. Me reconcilier avec maman a été à la fois pénible et émouvant. La revoir fût étrange. On a brisé le mur des non-dits qui nous séparait et m’empêchait inconsciemment de me lier à une fille pour fonder une famille. A présent, tout n’est pas oublié. Cependant, ma mère 'ré-existe'. Je me sens libéré."

Sans doute est-ce là un déclic. Mieux dans sa peau, le fils rassuré retrouve son énergie. Transformé, serein, il revient sous les flashes des photographes, chaperonné par une jeune femme brune. Celle-ci lui a tenu la main en mai de l’année dernière, lors des funérailles de Paul Vincent, son manager. Très "smart", Kim affiche un look classique. Coiffée d’un chignon aux reflets aubrun, elle cache sous l’unique mèche rebelle tombant sur son front, de magnifiques yeux clairs. De quoi faire fondre ce célibataire endurci, qui déclarait récemment: "J’ai honte de l’avouer: je suis exigeant. J’apprécie les personnes charismatiques, intelligentes et saines".

Prêt à reconquérir son public, Roch Voisine, dont les traits ont pris de la maturité, devrait sortir un CD début 1999. "L’amour reste ma principale source d’inspiration. Je fais passer ces sentiments-là dans toutes mes mélodies." Si Kim est sa muse, il y a fort à parier que son prochain album sera des plus romantiques.

Carol Thill - Ciné Télé Revue - 25/09/1998